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L’ancêtre du classement de 1855 des vins de Bordeaux : le classement méconnu de 1647, déduit de la taxation des vins de Bordeaux et environs

Original du classement des vins de Bordeaux de 1647
Original du classement des vins de Bordeaux de 1647
Copie du XVIIIsc du classement des vins de Bordeaux de 1647
Copie du XVIIIsc du classement des vins de Bordeaux de 1647
L'essentiel
Une très forte pénurie de vin en 1646* et la nécessité de sécuriser les échanges commerciaux avec en particulier les Provinces Unies (les Pays Bas)** a incité les Jurats de Bordeaux à mettre de l'ordre dans le commerce des vins du bordelais.

Ils demandent donc aux courtiers de leur faire un état des échanges commerciaux.
Sont invités à cette Assemblée de la Jurade de Bordeaux (représentant Graves, Médoc, Palus et Côtes), une délégation de chaque juridiction hors Bordeaux :
La Vallée de la Garonne (Rions, Cadillac, St Macaire, Langon, Ste Croix du Mont),
la prévôté royale de Barsac (Preignac, Fargues, Pujols, Bommes),
Outre-Dordogne (Baye, Bourg, Fronsac, Guîtres, Coutras, Libourne, Saint Emilion, Castillon),
Entre-deux-Mers et Benauge.

De cette analyse faite en trois jours, naît, de facto, la toute première classification des vins de Bordeaux. Il n'y a pas encore de classement individuel des châteaux car à l'exception de Haut Brion et Margaux, les vins sont essentiellement identifiés par leur secteur de production : 
  • pour les vins de Barsac, Preignac, Pujols et Fargues, de 28 à 100 écus le tonneau
  • pour les vins de Médoc et de Graves, de 26 à 100 écus le tonneau
  • pour les vins de Langon Bommes et Sauternes, de 28 à 35 écus le tonneau
  • pour les vins de St Macaire, de 24 à 30 écus le tonneau
  • pour les vins de côtes, de 24 à 28 écus le tonneau
  • pour les vins de Bourg, de 22 à 26 écus le tonneau
  • pour les vins d'Entre-deux-Mers, de 20 à 25 écus le tonneau
  • pour les vins de Castillon, de 20 à 22 écus le tonneau
  • pour les vins de Blaye, de 18 à 24 écus le tonneau
  • pour les vins de Libourne, Fronsadais, Guitres et Coutras (au nord de Lalande de Pomerol, hors du vignoble aujourd'hui), de 18 à 22 écus le tonneau
  • ...

On note une très grande disparité entre le Médoc et le Sauternais. Il est à noter qu'à cette époque le Château Margaux existait déjà et était déjà réputé pour son vin, alors que le Château d'Yquem en était à ses prémices.

L'original de ce document est conservé aux archives de Bordeaux Métropole. Il a été très 
endommagé par un incendie en 1862, mais il existait une copie du milieu du XVIIIe siècle.

Il faut tout de même noter que le premier classement des vins de Bordeaux par ses châteaux tel que celui de 1855, est celui de Thomas Jefferson en 1787 (avant de devenir le 3ème Président des Etats Unis d'Amérique), qui consigna dans ses Carnets ses appréciations des grands crus bordelais.
Pour aller plus loin
*D'où vient cette pénurie de vin ?

C'est une pénurie dans tout le nord de l'Europe, due à une surconsommation de vin par manque des autres boissons alcoolisées (bière, cidre et eau de vie). Dans l'extrait ci-dessous, la situation du cidre et de l'eau de vie est expliquée. La pénurie de blé, issue des famines liées aux ravages de la guerre de 30 ans, a entraîné la raréfaction de la bière produite à l'époque à partir du blé.

Ce classement commence par expliquer la situation : "... la Hollande, les Flandres, l'Ecosse, l'Irlande, l'Angleterre, toute la côte d'Allemagne, et tous les pays du Nord étaient semés de blé et par conséquent de bière ; que les vins même les eaux de vie s'étaient partout gâtés au point qu'ils ne pouvaient pas servir de boisson ; que le cidre avait également manqué parce que les chenilles avaient rongé tous les arbres fruitiers dans presque toute la France ; que tout cela avait attiré dans le port et havre (de Bordeaux) une flotte de vaisseaux étrangers excessive eu égard aux autres années qui venait pour charger du vin..."

**Pourquoi sécuriser les échanges commerciaux ?

En 1647, la Guerre de Trente ans est sur le point de s'achever. Les Traités de Wesphalie, signés le 24 octobre 1648, sont déjà en cours de négociation. En attendant ces traités, qui portent sur une très grande majorité des conflits, des accords "locaux" ont été ratifiés, ouvrant l'Espagne fin 1647 et le Portugal en 1643, aux commerçants Hollandais.
Bordeaux, port avant tout, craint de ne plus être nécessaire aux marchands bataves. Cette Assemblée avec les juges et les Jurats espère bien rassurer ces grands commerçants par des prix garantis.
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Visite de propriété viticole de l'Entre-deux-Mers